Le chef exécutif de la Maison du pêcheur, Christophe Mamelonet.

Le chef Christophe Mamelonet : Se dépasser malgré la houle

Simon Carmichael
SIMON CARMICHAEL
Initiative de journalisme local – Le Soleil
«Fêter? Non, on n’a pas pris le temps pour ça. Si je gagne, là on s’ouvrira un mousseux!» promet Christophe Mamelonet. Après de longues tempêtes, entre la colère de la mer qui a ravagé le restaurant et la houle du départ précipité d’un parent, le chef gaspésien qui est en lice pour être la révélation de l’année des Lauriers de la gastronomie continue à se dépasser, une assiette à la fois.

«Ne fais pas attention au bordel, on ouvre dans un mois, alors on a tout à faire», lance le jeune chef en ouvrant la porte du restaurant. Les prochaines semaines seront particulièrement éprouvantes pour l’équipe de la Maison du Pêcheur. Non seulement ils donneront le coup d’envoi de «la saison touristique la plus prometteuse jusqu’à date», mais ils sauront également si le chef de la place, Christophe Mamelonet, remporte le titre de révélation de l’année aux Lauriers de la gastronomie québécoise.

Pour la première fois, le chef de 27 ans, qualifié de «talent à surveiller et d’une véritable étoile montante de la restauration gaspésienne» par les juges, fait partie de la courte liste des finalistes d’un des plus prestigieux prix du monde culinaire du Québec. «J’étais à la quincaillerie quand un de mes anciens professeurs m’a appelé pour me féliciter. Je ne comprenais pas trop, mais quand j’ai réalisé, j’ai oublié ce que j’allais acheter, raconte Christophe. Je ne pensais même pas que c’était possible d’être finaliste en Gaspésie. J’ai été très surpris qu’ils pensent à nous!»

Le chef exécutif de la Maison du pêcheur de Percé, Christophe Mamelonet, a une volonté claire de préserver le bagage historique et familial de l’établissement spécialisé dans la mise en valeur des poissons et des fruits de mer.

Bien implanté au cœur de la petite communauté de Percé, le chef exécutif de la Maison du pêcheur admet que les vagues des dernières années ont été particulièrement féroces. En 2015, l’ex-maire, le député, le chef mais surtout le père, George Mamelonet est décédé dans un accident de la route causé par un conducteur ivre, au Bas-Saint-Laurent. Il avait inauguré la Maison du pêcheur en 1985.

Le 30 décembre 2016, alors que la famille peinait à se relever de la dure épreuve qui s’était dressée devant elle, la façade de la Maison du pêcheur est complètement détruite par les eaux lors d’une violente tempête. «J’ai vu le restaurant se faire démolir en live. C’était épouvantable, on n’a rien pu faire.»

«[Les épreuves] nous ont motivés. On a voulu montrer de quoi on était capable malgré tout», juge Christophe.

Cinq ans plus tard, le chef considère que c’est mission accomplie. Il reçoit très personnellement la marque de respect de ses collègues du monde culinaire qu’est sa nomination aux Lauriers. «C’est par l’industrie pour l’industrie. C’est une grosse reconnaissance.»

Conjuguer les recettes du passé au présent

Même en 2021, les menus sont concoctés dans un souci de tradition. «Hier soir, on regardait les menus que mon père avait montés, écrits à la main. On va sûrement reprendre une ou deux recettes pour cet été», note Christophe. Il a une volonté claire de préserver le bagage historique et familial de l’établissement spécialisé dans la mise en valeur des poissons et des fruits de mer.

Il met aussi de l’avant son souci de faire des menus à base d’ingrédients de proximité. La grande majorité des aliments qui se retrouvent dans les assiettes de la Maison du pêcheur ne proviennent pas seulement du Québec, mais plusieurs ne voyagent que quelques kilomètres. Des produits du «merroir» aux huiles utilisées, en passant par les légumes ou encore les pousses qui colorent les assiettes, la Gaspésie se retrouve partout.

«On sent qu’il y a une fierté des producteurs de se retrouver ici, et ça se voit dans la qualité de leurs produits. On veut encourager notre monde, lance Christophe. Mon père a toujours été attiré par les produits locaux. C’est dans nos valeurs, et on n’a pas l’intention de changer ça.»

Quand Christophe parle de produit frais, il faut le prendre au pied de la lettre. Comme le faisait George Mamelonet, il compte aller chercher lui-même les homards du soir, entreposés dans des viviers un peu au large du quai de Percé. «Je suis né dans l’eau, et je n’ai pas l’intention de laisser tomber ça, lance-t-il. En plus, les touristes aiment ça, nous voir sortir les homards en face du restaurant!»

Le restaurant La Maison du Pêcheur

Né dans une famille où la cuisine s’apprenait «sur le tas», Christophe a tenu à aller faire ses classes à l’école. Maintenant muni d’un DEC en gestion d’établissement de restauration du Collège Mérici, à Québec, il se sent prêt à affronter la dure réalité du monde de la restauration. «Le cours était surtout sur les chiffres et la gestion. C’est la partie qui paraît moins derrière les restaurants, mais c’est vraiment important, explique-t-il. De toute façon, on ne peut jamais tout savoir en cuisine. J’ai l’intention d’apprendre jusqu’à la fin.»

À l’aube d’une saison estivale qui s’annonce plus occupée que jamais, les réservations s’ajoutent par dizaines chaque jour à la Maison du pêcheur. Le restaurant familial est devenu un incontournable à Percé. «On va être pleins, et encore plus!» se plaît la mère de Christophe et propriétaire du restaurant, France Lebreux.

Peu importe les grandes marées à venir, Christophe Mamelonet ne prévoit pas quitter son Percé, et surtout pas son restaurant. Sauf peut-être pendant l’hiver. «On a eu de belles offres en Europe, ça ferait différent un peu, non?»

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Une lutte féroce pour le Laurier

La lutte sera particulièrement féroce pour le Laurier de la révélation de l’année. On retrouve notamment en lice le chef qui a remporté la 10e édition de l’émission Les Chefs!, Camilo Nacimento-Lapointe (Menu Extra, Montréal), Fanny Ducharme (L’Épicurieux, Val-David), Anita Feng (J’ai Feng, Montréal) ainsi qu’Arianne Faucher & Nicolas Quinto (Beaumier Bar à vin, Piedmont).

Quatre autres producteurs gaspésiens font partie des quelques nommés des Lauriers de la Gastronomie. Benoît Couillard de la Brasserie Auval, de Val-d’Espoir, est notamment en lice pour le titre de brasseur, vigneron ou producteur de boissons de l’année. Antoine Nicolas, qui se spécialise dans la cueillette d’algues, pourrait remporter le titre de producteur de l’année tandis que Carl Pelletier, qui représente Couleur Chocolat de Sainte-Anne-des-Monts, pourrait être sacré artisan de l’année ou encore remporter le prix du tourisme gastronomique. Les lauréats 2021 seront connus le 24 mai.

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RECETTE