Cet article, rédigé par Jean Hamann, a d’abord été publié sur ULaval nouvelles le 12 février 2021.

Santé physique et psychologique: les algues du Québec font-elles partie de la solution?

Des équipes de l’Institut sur la nutrition et les aliments fonctionnels explorent les bienfaits des algues sur le corps et l’esprit

Environ 10% des Québécois souffrent d’anxiété chronique, 60% des travailleurs vivent du stress au travail et 25% des adultes ont des problèmes de sommeil. Et cela, c’était avant que la pandémie de Covid-19 envenime les choses. Une partie de la solution à ces problèmes peut-elle se trouver dans les algues? C’est ce qu’espèrent des chercheuses de l’Institut sur la nutrition et les aliments fonctionnels (INAF), qui ont présenté les résultats préliminaires de leurs travaux sur le sujet dans le cadre de BÉNÉFIQ 2021.

En raison de la Covid-19, l’INAF a remodelé cette rencontre annuelle entre chercheurs et industriels sous la forme de deux webinaires qui ont eu lieu cette semaine. Le premier, Goûter les bienfaits de la mer, a été entièrement consacré aux produits et coproduits marins. Lucie Beaulieu, professeure au Département des sciences et technologies des aliments et coordonnatrice du groupe d’intérêt sur les produits marins à l’INAF, a profité de cette tribune pour faire le point sur ses travaux concernant la mise au point d’un yogourt aux algues et sur l’extraction de molécules d’algues pouvant avoir des bienfaits sur le cerveau.

Certaines algues sont riches en nutriments et elles contiennent des molécules qui ont des propriétés antioxydantes, antihypertensives et neuroprotectrices. De plus, leurs propriétés antimicrobiennes pourraient contribuer à prolonger la durée de conservation de certains aliments tout en réduisant la quantité de sel et d’agents de conservation que les industries alimentaires doivent ajouter à leurs produits.

L’équipe de la professeure Beaulieu travaille de concert avec des partenaires industriels pour tirer profit des molécules bioactives des algues du Québec. «Les algues sont une ressource encore grandement sous-exploitée chez nous, mais le désir de manger local, qui gagne en popularité, pourrait ouvrir de nouveaux marchés», souligne la chercheuse. Des travaux en cours dans son laboratoire visent à déterminer l’effet de l’ajout de deux algues brunes, la laminaire sucrée et l’alarie succulente, à une matrice de yogourt. «Les résultats sur les propriétés physicochimiques du produit sont encourageants. Nous allons maintenant faire appel à un panel d’experts pour en évaluer les propriétés gustatives.»

« Les algues sont une ressource encore grandement sous-exploitée chez nous, mais le désir de manger local, qui gagne en popularité, pourrait ouvrir de nouveaux marchés. »
 Lucie Beaulieu

Par ailleurs, dans le cadre du programme Neuronalg, la chercheuse et ses collaborateurs ont isolé quatre molécules appartenant à une famille de composés, les acides aminés de type mycosporine, qui ont un effet protecteur connu sur le système nerveux. Les travaux en cours visent à améliorer les procédés d’extraction de ces molécules et à démontrer leurs effets sur la santé cognitive. «Si les résultats sont concluants, nous allons réaliser, avec notre partenaire InnoVactiv, une mise à l’échelle de production de ces composés en vue de leur commercialisation», résume la professeure Beaulieu.

Trouver une niche aux algues

Malgré l’importance de ses côtes, le Canada fait figure de parent pauvre à l’échelle internationale en ce qui a trait à l’exploitation des algues, a rappelé Jocelyn, Bérubé, vice-président exécutif chez InnoVactiv. «Au pays, on récolte environ 11 600 tonnes d’algues par année alors que la Chine occupe le premier rang avec 14 millions de tonnes. La culture d’algues est presque inexistante ici alors, qu’au niveau mondial, elle est 300 fois plus élevée que la récolte d’algues sauvages.»

Encore faut-il trouver une façon d’amener les Québécois à consommer des algues. Au cours des dernières années, la professeure Beaulieu et la Fromagerie des Basques ont fait une tentative en développant un fromage aux algues du Québec. Les travaux ont permis de démontrer la faisabilité de l’ajout d’une algue rouge, le petit goémon, et d’une laminaire, à un fromage de type camembert. Le transfert de connaissances a été fait, mais le fromage n’est pas encore mis en marché.

« Nous voulons consommer de bons aliments et des aliments qui sont bons pour nous. »
 Véronique Provencher

Les Québécois sont-ils prêts à mettre des algues dans leur assiette? «Les choix alimentaires reposent sur plusieurs critères, dont les deux plus importants sont le goût et la valeur nutritive, rappelle Véronique Provencher, professeure à l’École de nutrition, directrice scientifique de l’Observatoire de la qualité de l’offre alimentaire et chercheuse à l’INAF. Nous voulons consommer de bons aliments et des aliments qui sont bons pour nous.»

Pour mettre plus d’algues au menu, il faut d’abord savoir les cuisiner, souligne la chercheuse. Le projet CuisiAlg, qu’elle dirige avec Lucie Beaulieu, vise à évaluer les effets d’un atelier d’initiation culinaire avec des algues sur les perceptions et les habitudes des participants. Cet automne, une cinquantaine de personnes ont suivi un atelier de trois heures offert par le chef Jean Soulard sur le sujet. Les chercheuses en mesurent maintenant les retombées.

Par ailleurs, la professeure Provencher croit que les propriétés santé des algues pourraient être mises à profit dans les aliments préparés. «L’industrie alimentaire revoit certains de ses produits pour les rendre conformes aux attentes des consommateurs, notamment en ce qui concerne leur teneur en sodium, en gras saturés ou en sucres. Cette ouverture à l’amélioration est une belle occasion de faire une plus grande place aux algues et aux extraits d’algues dans notre alimentation.»