Depuis un an ou deux, des voix disent et répètent l’importance de mettre les saveurs du Québec au cœur de l’assiette en (re) découvrant tout ce qui pousse sur notre territoire, à l’état sauvage.

Cet extrait est tiré d’un article de Karine Tremblay paru dans Le Droit Numérique.

Après L’érable et la perdrix (dont je vous parlais la semaine dernière), toute récente brique qui s’attarde à l’histoire de notre cuisine québécoise, voilà qu’un ouvrage un brin parent arrive sur les tablettes. Plus pratico-pratique, celui-là.

Signé Simon-Pierre Murdock, Cuisine sauvage traduit le même intérêt pour tout ce qui pousse dans notre paysage. Il invite surtout le lecteur à oser apprêter poivre des dunes, sapin et, mélilot.

« Avec ce livre-là, c’est assez simple : j’ai envie de donner le goût aux gens de cuisiner les ingrédients sauvages. Pour y arriver, je leur donne des outils très concrets », explique le fondateur de l’entreprise Morille Québec.

Sa bannière, qui commercialise différents types d’épices boréales et de champignons sauvages séchés, est née en 2008. Grâce à un panier de morilles, justement.

« J’avais trouvé par hasard une bonne quantité de ces champignons. J’avais vendu une partie de ma cueillette à un restaurant du coin et avec la balance, je m’étais préparé un délicieux plat de pâtes au vin blanc et à la crème. »

En piquant sa fourchette dans le savoureux souper, Simon-Pierre avait eu l’idée, le flash : il devait rendre le méconnu champignon plus accessible pour les consommateurs québécois.

À l’époque, il fallait quand même une certaine vision pour se projeter dans pareil projet d’affaires bâti autour de la commercialisation de champignons sauvages déshydratés. Le garde-manger boréal n’était pas encore le concept « In » qu’il est devenu aujourd’hui.

« Mais depuis quelques années, on remarque un changement, on voit une réappropriation de nos ingrédients du terroir. Pensez juste aux gins qui sont apparus ces dernières années : ils sont plusieurs à être parfumés d’aromates sauvages. Les consommateurs suivent la tendance. On remarque que leur intérêt est grandissant pour tout ce qui est issu du terroir boréal. »

Sauf que tout intéressés qu’ils soient, ils ne savent pas nécessairement comment mettre en valeur ces ingrédients qui, jusqu’à tout récemment, ne faisaient pas partie de leur menu habituel.

D’où l’idée de publier un éventail de recettes simples, mais inspirantes, remarque Simon-Pierre Murdoch. Celui-ci n’est ni chef ni diplômé d’une école de cuisine. Mais il manie spatule et cuillère de bois depuis ses toutes jeunes années.

Simon-Pierre Murdock

« J’ai grandi dans une famille où on passait beaucoup de temps derrière les fourneaux », explique le Saguenéen.

Aux côtés de son père, celui qui a grandi dans le coin de Lac aux Brumes a vite appris à apprêter des mets sur le feu avec ce qui poussait autour.

« Lorsque j’étais enfant, mes parents m’ont offert un livre sur la faune et la flore québécoise. Ça me fascinait. »

La fascination est encore là. Décuplée. Et nourrie par l’appétit toujours grand de créer du délicieux à partir de trouvailles boréales.

« Mon approche de la cuisine est assez simple. Je cuisine beaucoup les fruits et les légumes, qui occupent la moitié de mon assiette. Et pour le reste, j’emploie les ingrédients les plus bruts possible, en privilégiant les aliments québécois. »

Reste que faire un recueil de ses bons plats a représenté un défi de taille.

« Je souhaitais présenter des recettes somme toute faciles à réaliser. Les produits de la forêt ont souvent un goût plus végétal, avec un peu d’amertume. Il fallait donc bien les doser et les agencer avec des ingrédients qui équilibreraient les saveurs. »

En tout, 80 recettes réparties selon les saisons se déclinent dans le recueil.

« J’utilise une cinquantaine d’ingrédients forestiers. »

Et pas seulement ceux qu’ils commercialisent avec Morille Québec.

« Je mets en vitrine divers produits mis en marché par différentes compagnies. Je pense à Gourmet Sauvage ou Océan de saveurs, par exemple. Et j’aimerais que d’autres se lancent dans la niche alimentaire sauvage. Je souhaiterais que la demande soit si grande qu’elle vienne stimuler ce type d’entrepreneuriat alimentaire. »

Ça, c’est un pari qui se gagne par l’assiette. Une recette à la fois.

Poêlée de champignons sauvages et halloumi mielleux.

 

Ingrédients-clés tout printaniers

Maintenant qu’on a le pied en avril, le printemps se profile. Et avec lui, le temps des morilles.

« C’est un champignon qui a un petit goût de noisette, une odeur de forêt et de foie gras. Il apporte une touche d’umami aux plats. Dès que la fonte des neiges est complétée, on commence à le voir apparaître. C’est toujours excitant d’en trouver parce que ça nous annonce l’arrivée prochaine de l’été. »

La meilleure façon de cuisiner le joyau boisé, c’est avec de la crème, « dans une pâte feuilletée, par exemple. Ou encore avec des pâtes fraîches, dans une sauce au parmesan à laquelle on pourrait ajouter des têtes de violon, un autre aliment phare du printemps dont la saveur rappelle un peu celle de l’asperge », dit Simon-Pierre.

Pendant la courte saison, on en trouve généralement dans les supermarchés. Certains hésitent encore à les glisser dans leur panier, parce qu’elles ont la réputation d’être toxiques si on ne les apprête pas adéquatement.

« Pour les rendre propres à la consommation, il suffit pourtant de les faire blanchir dans l’eau bouillante de 20 à 30 minutes », dit celui qui rappelle que la marguerite n’est pas qu’un joli soleil à effeuiller.

Les boutons de la blanche fleur gagnent à être cueillis et marinés, en mai et juin.

« Pour les conserver, on les fait macérer dans un vinaigre de cidre, avec quelques aromates. Ça donne un produit qui s’apparente aux câpres et qu’on cuisine comme tel. »

La marguerite est assez commune pour qu’on ne craigne guère de se tromper lorsque vient le temps de la récolter. Mais ce n’est pas le cas de toutes les plantes indigènes.

Ne s’improvise pas cueilleur qui veut.

« Dans le doute, on ne récolte pas », insiste l’auteur.

« J’ai fait quelques textes pour orienter les gens, mais mon bouquin est vraiment axé sur la cuisine et non sur la cueillette. Parce qu’il faut un certain bagage pour s’aventurer en forêt, choisir quoi récolter et le faire de façon écoresponsable. »

Encore plus lorsqu’il est question de champignons : certains sont hautement toxiques. Si on confond une variété avec une autre, le risque d’intoxication, réel, est à ne pas prendre à la légère.

« Moi, ce que je suggère toujours, c’est de suivre une formation. Certains cégeps en offrent, les cercles de mycologues aussi. Plusieurs ressources existent et il faut vraiment un accompagnement avant de se lancer. »

Tomahawk on the rock

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Super sirop

Je demande à Simon-Pierre quel coup de cœur boréal il aimerait partager.

Sa réponse ne s’est pas fait attendre : le sirop de merisier. Sans hésiter.

« Il provient du bouleau jaune et il peut aisément remplacer le vinaigre balsamique avec son goût un peu amer et sa touche florale. »

L’érablière Escuminac en commercialise.

Des conifères à savourer

Dans le rayon des ingrédients faciles à identifier, faciles à apprêter, il y a les conifères.

« On les sous-estime, mais ils sont remplis de vitamine C. Je cuisine beaucoup avec les pousses de cèdres, de sapins et d’épinettes. »

Par exemple?

« Je mélange du cèdre à mon café en poudre pour faire un cortado. Les huiles essentielles du cèdre parfument délicieusement la tasse. Je confectionne aussi un délicieux tartare de bœuf et de sapin. Les conifères ajoutent beaucoup de parfums et de textures aux plats. »